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se hâta de la rejoindre. Il fut surpris de la trouver aussi calme que si elle eût veillé au chevet d’un ami. Il voulut lui parler et l’exhorter à aller prendre du repos.

« Ne dites pas de paroles inutiles devant cet ange endormi, lui répondit-elle. Allez vous reposer, mon bon maître ; moi, je me repose ici.

— Tu veux donc te tuer ? dit le Porpora avec une sorte de désespoir.

— Non, mon ami, je vivrai, répondit Consuelo ; je remplirai tous mes devoirs envers lui et envers vous ; mais je ne l’abandonnerai pas d’un instant cette nuit. »

Comme rien ne se faisait dans la maison sans l’ordre de la chanoinesse, et qu’une frayeur superstitieuse régnait à propos d’Albert dans l’esprit de tous les domestiques, personne n’osa, durant toute cette nuit, approcher du salon où Consuelo resta seule avec Albert. Le Porpora et le médecin allaient et venaient de la chambre du comte à celle de la chanoinesse et à celle du chapelain. De temps en temps, ils revenaient informer Consuelo de l’état de ces infortunés et s’assurer du sien propre. Ils ne comprenaient rien à tant de courage.

Enfin aux approches du matin, tout fut tranquille. Un sommeil accablant vainquit toutes les forces de la douleur. Le médecin, écrasé de fatigue, alla se coucher ; le Porpora s’assoupit sur une chaise, la tête appuyée sur le bord du lit du comte Christian. Consuelo seule n’éprouva pas le besoin d’oublier sa situation. Perdue dans ses pensées, tour à tour priant avec ferveur ou rêvant avec enthousiasme, elle n’eut pour compagnon assidu de sa veillée silencieuse que le triste Cynabre, qui, de temps en temps, regardait son maître, lui léchait la main, balayait avec sa queue la cendre de l’âtre, et, habitué à ne plus recevoir les caresses de sa main dé-