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consuelo.

C’était une manière de croire déjà à l’éternel hyménée des âmes des morts avec le monde des vivants ; car cette superstition des peuples naïfs semble être restée de tout temps comme une protestation contre le départ absolu de l’essence humaine pour le ciel ou l’enfer des législateurs religieux.

Consuelo, attachée au sein de ce cadavre, ne s’imaginait donc pas qu’il était mort, et ne comprenait rien à l’horreur de ce mot, de ce spectacle et de cette idée. Il ne lui semblait pas que la vie intellectuelle pût s’évanouir si vite, et que ce cerveau, ce cœur à jamais privé de la puissance de se manifester, fût déjà éteint complètement.

« Non, pensait-elle, l’étincelle divine hésite peut-être encore à se perdre dans le sein de Dieu, qui va la reprendre pour la renvoyer à la vie universelle sous une nouvelle forme humaine. Il y a encore peut-être une sorte de vie mystérieuse, inconnue, dans ce sein à peine refroidi ; et d’ailleurs, où que soit l’âme d’Albert, elle voit, elle comprend, elle sait ce qui se passe ici autour de sa dépouille. Elle cherche peut-être dans mon amour un aliment pour sa nouvelle activité, dans ma foi une force d’impulsion pour aller chercher en Dieu l’élan de la résurrection. »

Et, pénétrée de ces vagues pensées, elle continuait à aimer Albert, à lui ouvrir son âme, à lui donner son dévouement, à lui renouveler le serment de fidélité qu’elle venait de lui faire au nom de Dieu et de sa famille ; enfin à le traiter dans ses idées et dans ses sentiments, non comme un mort qu’on pleure parce qu’on va s’en détacher, mais comme un vivant dont on respecte le repos en attendant qu’on lui sourie à son réveil.

Lorsque le Porpora retrouva sa raison, il se souvint avec effroi de la situation où il avait laissé sa pupille, et