une forte base dans sa haine instinctive pour l’idée des vengeances infernales de Dieu envers l’homme après la mort, et dans sa foi chrétienne à l’éternité de la vie de l’âme. Albert vivant, mais prévenu contre elle par les apparences, infidèle à l’amour ou rongé par le soupçon, lui était apparu comme enveloppé d’un voile et transporté dans une nouvelle existence, incomplète au prix de celle qu’il avait voulu consacrer à l’amour sublime et à l’inébranlable confiance. Albert, ramené à cette foi, à cet enthousiasme, et exhalant le dernier soupir sur son sein, était-il donc anéanti pour elle ? Ne vivait-il pas de toute la plénitude de la vie en passant sous cet arc de triomphe d’une belle mort, qui conduit soit à un mystérieux repos temporaire, soit à un réveil immédiat dans un milieu plus pur et plus propice ? Mourir en combattant sa propre faiblesse, et renaître doué de la force ; mourir en pardonnant aux méchants, et renaître sous l’influence et l’égide des cœurs généreux ; mourir déchiré de sincères remords, et renaître absous et purifié avec les innéités de la vertu, ne sont-ce point là d’assez divines récompenses ? Consuelo, initiée par les enseignements d’Albert à ces doctrines qui avaient leur source dans le hussitisme de la vieille Bohême et dans les mystérieuses sectes des âges antérieurs (lesquelles se rattachaient à de sérieuses interprétations de la pensée même du Christ et à celle de ses devanciers) ; Consuelo, doucement, sinon savamment convaincue que l’âme de son époux ne s’était pas brusquement détachée de la sienne pour aller l’oublier dans les régions inaccessibles d’un empyrée fantastique, mêlait à cette notion nouvelle quelque chose des souvenirs superstitieux de son adolescence. Elle avait cru aux revenants comme y croient les enfants du peuple ; elle avait vu plus d’une fois en rêve le spectre de sa mère s’approchant d’elle pour la protéger et la préserver.
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