Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/400

Cette page a été validée par deux contributeurs.
390
consuelo.

onction, et que l’état du malade exigeait qu’il y eût peu de bruit et de miasmes dans l’appartement. Le Porpora servit de témoin avec Supperville. Albert retrouva tout à coup assez de force pour prononcer le oui décisif et toutes les formules de l’engagement d’une voix claire et sonore. La famille conçut une vive espérance de guérison. À peine le chapelain eut-il récité sur la tête des nouveaux époux la dernière prière, qu’Albert se leva, s’élança dans les bras de son père, embrassa de même avec une précipitation et une force extraordinaire sa tante, son oncle et le Porpora ; puis il se rassit sur son fauteuil, et pressa Consuelo contre sa poitrine, en s’écriant :

« Je suis sauvé ! »

— C’est le dernier effort de la vie, c’est une convulsion finale, » dit au Porpora Supperville, qui avait encore consulté plusieurs fois les traits et l’artère du malade, pendant la célébration du mariage.

En effet, les bras d’Albert s’entr’ouvrirent, se jetèrent en avant, et retombèrent sur ses genoux. Le vieux Cynabre, qui n’avait pas cessé de dormir à ses pieds durant toute sa maladie, releva la tête et fit entendre par trois fois un hurlement lamentable. Le regard d’Albert était fixé sur Consuelo ; sa bouche restait entr’ouverte comme pour lui parler ; une légère coloration avait animé ses joues : puis cette teinte particulière, cette ombre indéfinissable, indescriptible, qui passe lentement du front aux lèvres, s’étendit sur lui comme un voile blanc. Pendant une minute, sa face prit diverses expressions, toujours plus sérieuses de recueillement et de résignation, jusqu’à ce qu’elle se raffermit dans une expression définitive de calme auguste et de sévère placidité.

Le silence de terreur qui planait sur la famille attentive et palpitante fut interrompu par la voix du médecin,