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consuelo.

chanoine ; et soit plaisir soit indignation, le bon curé rougit depuis son rabat jusqu’à sa calotte.

« C’est comme je vous le dis, reprit l’inconnu. Je cherche en vain qui elle peut être, je ne la connais pas ; et quant à son travestissement et à la condition précaire où elle se trouve, je ne puis les attribuer qu’à un coup de tête… Affaire d’amour, monsieur le curé ! ceci ne nous regarde pas.

— Affaire d’amour ! comme vous dites fort bien, reprit le curé fort animé : un enlèvement, une intrigue criminelle avec ce petit jeune homme ! Mais tout cela est fort vilain ! Et moi qui ai donné dans le panneau ! moi qui les ai logés dans mon presbytère ! Heureusement, je leur avais donné des chambres séparées, et j’espère qu’il n’y aura point eu de scandale dans ma maison. Ah ! quelle aventure ! et comme les esprits forts de ma paroisse (car il y en a, monsieur, j’en connais plusieurs) riraient à mes dépens s’ils savaient cela !

— Si vos paroissiens n’ont pas reconnu la voix d’une femme, il est probable qu’ils n’en ont reconnu ni les traits ni la démarche. Voyez pourtant quelles jolies mains, quelle chevelure soyeuse, quel petit pied, malgré les grosses chaussures !

— Je ne veux rien voir de tout cela ! s’écria le curé hors de lui ; c’est une abomination que de s’habiller en homme. Il y a dans les saintes Écritures un verset qui condamne à mort tout homme ou femme coupable d’avoir quitté les vêtements de son sexe. À mort ! entendez-vous, monsieur ? C’est indiquer assez l’énormité du péché ! Avec cela elle a osé pénétrer dans l’église, et chanter effrontément les louanges du Seigneur, le corps et l’âme souillés d’un crime pareil !

— Et elle les a chantées divinement ! les larmes m’en