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lain à l’autre bout de la cheminée, et il leur parlait avec feu. Le chapelain fit seul une objection timide en apparence, mais qui résumait toute la persistance du prêtre.

« Si Vos Seigneuries l’exigent, dit-il, je prêterai mon ministère à ce mariage ; mais le comte Albert n’étant pas en état de grâce, il faudrait premièrement que, par la confession et l’extrême-onction, il fît sa paix avec l’Église.

— L’extrême-onction ! dit la chanoinesse avec un gémissement étouffé : en sommes-nous là, grand Dieu ?

— Nous en sommes là, en effet, répondit Supperville qui, homme du monde et philosophe voltairien, détestait la figure et les objections de l’aumônier : oui, nous en sommes là sans rémission, si monsieur le chapelain insiste sur ce point, et s’obstine à tourmenter le malade par l’appareil sinistre de la dernière cérémonie.

— Et croyez-vous, dit le comte Christian, partagé entre sa dévotion et sa tendresse paternelle, que l’appareil d’une cérémonie plus riante, plus conforme aux vœux de son esprit, puisse lui rendre la vie ?

— Je ne réponds de rien, reprit Supperville, mais j’ose dire que j’en espère beaucoup. Votre Seigneurie avait consenti à ce mariage en d’autres temps…

— J’y ai toujours consenti, je ne m’y suis jamais opposé, dit le comte en élevant la voix à dessein ; c’est maître Porpora, tuteur de cette jeune fille, qui m’a écrit de sa part qu’il n’y consentirait point, et qu’elle-même y avait déjà renoncé. Hélas ! ça été le coup de la mort pour mon fils ! ajouta-t-il en baissant la voix.

— Vous entendez ce que dit mon père ? murmura Albert à l’oreille de Consuelo ; mais n’ayez point de remords. J’ai cru à votre abandon, et je me suis laissé frapper par le désespoir ; mais depuis huit jours j’ai recouvré ma raison, qu’ils appellent ma folie ; j’ai lu