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consuelo.

vait pas d’amour pour moi. Elle ne cédera qu’à la pitié. Parlez à son cœur. Je suis plus près de ma fin que vous ne croyez. Ne perdez pas de temps. Je ne puis pas revivre heureux si je n’emporte dans la nuit du repos le titre de son époux.

— Mais qu’entendez-vous par ces dernières paroles ? dit Supperville, occupé en cet instant à analyser la folie de son malade.

— Vous ne pouvez pas les comprendre, reprit Albert avec effort, mais elle les comprendra. Bornez-vous à les lui redire fidèlement.

— Tenez, monsieur le comte, dit Supperville en élevant un peu la voix, je vois que je ne puis être un interprète lucide de vos pensées ; vous avez la force de parler maintenant plus que vous ne l’avez fait depuis huit jours, et j’en conçois un favorable augure. Parlez vous-même à mademoiselle ; un mot de vous la convaincra mieux que tous mes discours. La voici près de vous ; qu’elle prenne ma place, et vous entende. »

Supperville ne comprenant plus rien, en effet, à ce qu’il avait cru comprendre, et pensant d’ailleurs qu’il en avait dit assez à Consuelo pour s’assurer de sa reconnaissance au cas où elle viserait à la fortune, se retira après qu’Albert lui eut dit encore :

« Songez à ce que vous m’avez promis ; le moment est venu : parlez à mes parents. Faites qu’ils consentent et qu’ils n’hésitent pas. Je vous dis que le temps presse. »

Albert était si fatigué de l’effort qu’il venait de faire qu’il appuya son front sur celui de Consuelo lorsqu’elle s’approcha de lui et s’y reposa quelques instants comme près d’expirer. Ses lèvres blanches devinrent bleuâtres, et le Porpora, effrayé, crut qu’il venait de rendre le dernier soupir. Pendant ce temps, Supperville avait réuni le comte Christian, le baron, la chanoinesse et le chape-