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consuelo.

sultait son pouls, comme dans la scène de Stratonice, le laissa retomber doucement, et regarda la chanoinesse d’un air qui signifiait : « Il est trop tard. » Consuelo était à genoux près d’Albert, qui la regardait fixement et ne disait rien. Enfin, il réussit à faire, avec le doigt, un signe à la chanoinesse, qui avait appris à deviner toutes ses intentions. Elle prit ses deux bras, qu’il n’avait plus la force de soulever, et les posa sur les épaules de Consuelo ; puis elle pencha la tête de cette dernière sur le sein d’Albert ; et comme la voix du moribond était entièrement éteinte, il lui prononça ce peu de mots à l’oreille :

« Je suis heureux. »

Il tint pendant deux minutes la tête de sa bien-aimée contre sa poitrine et sa bouche collée sur ses cheveux noirs. Puis il regarda sa tante, et, par d’imperceptibles mouvements, il lui fit comprendre qu’il désirait qu’elle et son père donnassent le même baiser à sa fiancée.

« Oh ! de toute mon âme ! » dit la chanoinesse en la pressant dans ses bras avec effusion.

Puis elle la releva pour la conduire au comte Christian, que Consuelo n’avait pas encore remarqué.

Assis dans un autre fauteuil vis-à-vis de son fils, à l’autre angle de la cheminée, le vieux comte semblait presque aussi affaibli et aussi détruit. Il se levait encore pourtant et faisait quelques pas dans le salon ; mais il fallait chaque soir le porter à son lit, qu’il avait fait dresser dans une pièce voisine. Il tenait en cet instant la main de son frère dans une des siennes, et celle du Porpora dans l’autre. Il les quitta pour embrasser Consuelo avec ferveur à plusieurs reprises. L’aumônier du château vint à son tour la saluer pour faire plaisir à Albert. C’était un spectre aussi, malgré son embonpoint qui ne faisait qu’augmenter ; mais sa pâleur était livide. La mollesse