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consuelo.

vue des choses cachées. Il m’a appelée ce soir auprès de son lit, et de cette voix éteinte qu’il a maintenant, et qu’il faut deviner plus qu’on ne peut l’entendre, il m’a dit de vous transmettre les paroles que je vous ai fidèlement rapportées. Soyez donc à sept heures, le 11, au pied de la statue, et, quelle que soit la personne qui s’y trouvera en voiture, amenez-la ici en toute hâte. »

En achevant cette lettre, Consuelo, devenue aussi pâle que le baron, se leva brusquement ; puis elle retomba sur sa chaise, et resta quelques instants les bras raidis et les dents serrées. Mais elle reprit aussitôt ses forces, se leva de nouveau, et dit au baron qui était retombé dans sa stupeur :

« Eh bien ! monsieur le baron, votre voiture est-elle prête ? Je le suis, moi ; partons. »

Le baron se leva machinalement et sortit. Il avait eu la force de songer à tout d’avance ; la voiture était préparée, les chevaux attendaient dans la cour ; mais il n’obéissait plus que comme un automate à la pression d’un ressort, et, sans Consuelo, il n’aurait plus pensé au départ.

À peine fut-il hors de la chambre, que le Porpora saisit la lettre et la parcourut rapidement. À son tour il devint pâle, ne put articuler un mot, et se promena devant le poêle en proie à un affreux malaise. Le maestro avait à se reprocher ce qui arrivait. Il ne l’avait pas prévu, mais il se disait maintenant qu’il eût dû le prévoir : et en proie au remords, à l’épouvante, sentant sa raison confondue d’ailleurs par la singulière puissance de divination qui avait révélé au malade le moyen de revoir Consuelo, il croyait faire un rêve affreux et bizarre.

Cependant, comme aucune organisation n’était plus positive que la sienne à certains égards, et aucune volonté plus tenace, il pensa bientôt à la possibilité et aux suites