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consuelo.

Consuelo allait répliquer ; mais elle se calma en voyant le baron à cheval, déterminé, en apparence, à suivre la voiture ; et lorsqu’elle en descendit, elle trouva le vieux seigneur à la portière, lui offrant la main, et lui faisant avec politesse les honneurs de sa maison ; car c’était chez lui et non à l’auberge qu’il avait donné ordre au postillon de la conduire. Le Porpora voulut en vain refuser son hospitalité : il insista, et Consuelo, qui brûlait d’éclaircir ses tristes appréhensions, se hâta d’accepter et d’entrer avec lui dans la salle, où un grand feu et un bon souper les attendaient.

« Vous voyez, Signora, dit le baron en lui faisant remarquer trois couverts, je comptais sur vous.

— Cela m’étonne beaucoup, répondit Consuelo ; nous n’avons annoncé ici notre arrivée à personne, et nous comptions même, il y a deux jours, n’y arriver qu’après-demain.

— Tout cela ne vous étonne pas plus que moi, dit le baron d’un air abattu.

— Mais la baronne Amélie ? demanda Consuelo, honteuse de n’avoir pas encore songé à son ancienne élève. »

Un nuage couvrit le front du baron de Rudolstadt : son teint vermeil, violacé par le froid, devint tout à coup si blême, que Consuelo en fut épouvantée ; mais il répondit avec une sorte de calme :

« Ma fille est en Saxe, chez une de nos parentes. Elle aura bien du regret de ne pas vous avoir vue.

— Et les autres personnes de votre famille, monsieur le baron, reprit Consuelo, ne puis-je savoir…

— Oui, vous saurez tout, répondit Frédéric, vous saurez tout. Mangez, signora ; vous devez en avoir besoin.