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consuelo.

Le Porpora commençait à s’impatienter : il avait froid ; il lui tardait d’arriver à un bon gîte. En outre, cette rencontre, qui pouvait faire une grande impression sur Consuelo, le contrariait passablement.

« Monsieur le baron, lui dit-il, nous aurons l’honneur d’aller demain vous présenter nos devoirs ; mais souffrez que maintenant nous allions souper et nous réchauffer… Nous avons plus besoin de cela que de compliments, ajouta-t-il entre ses dents, en sautant dans la voiture, où il venait de pousser Consuelo, bon gré mal gré.

— Mais, mon ami, dit celle-ci avec anxiété, laissez-moi m’informer…

— Laissez-moi tranquille, répondit-il brusquement. Cet homme est idiot, s’il n’est pas ivre mort ; et nous passerions bien la nuit sur le pont sans qu’il pût accoucher d’une parole de bon sens. »

Consuelo était en proie à une affreuse inquiétude :

« Vous êtes impitoyable, lui dit-elle tandis que la voiture franchissait le pont et entrait dans l’ancienne ville. Un instant de plus, et j’allais apprendre ce qui m’intéresse plus que tout au monde…

— Ouais ! en sommes-nous encore là ? dit le maestro avec humeur. Cet Albert te trottera-t-il éternellement dans la cervelle ? Tu aurais eu là une jolie famille, bien enjouée, bien élevée, à en juger par ce gros butor, qui a son bonnet cacheté sur sa tête, apparemment ! car il ne t’a pas fait la grâce de le soulever en te voyant.

— C’est une famille dont vous pensiez naguère tant de bien, que vous m’y avez jetée comme dans un port de salut, en me recommandant d’être tout respect, tout amour pour ceux qui la composent.

— Quant au dernier point, tu m’as trop bien obéi, à ce que je vois. »