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consuelo.

Le gros homme sortit le menton de ses fourrures ; et, tenant toujours son cheval par la bride, il répondit au Porpora en bohémien, sans s’apercevoir que celui-ci ne le comprenait pas du tout ; mais Consuelo, frappée de la voix de ce personnage, et se penchant pour regarder ses traits au clair de la lune, s’écria, en passant entre lui et le Porpora : « Est-ce donc vous, monsieur le baron de Rudolstadt ?

— Oui, c’est moi, Signora ! répondit le baron Frédéric ; c’est moi, le frère de Christian, l’oncle d’Albert ; oh ! c’est bien moi. Et c’est bien vous aussi ! » ajouta-t-il en poussant un profond soupir.

Consuelo fut frappée de son air triste et de la froideur de son accueil. Lui qui s’était toujours piqué avec elle d’une galanterie chevaleresque, il ne lui baisa pas la main, il ne songea même pas à toucher son bonnet fourré pour la saluer ; il se contenta de répéter en la regardant, d’un air consterné, pour ne pas dire hébété : « C’est bien vous ! en vérité, c’est vous ! »

— Donnez-moi des nouvelles de Riesenburg, dit Consuelo avec agitation.

— Je vous en donnerai, Signora ! Il me tarde de vous en donner.

— Eh bien ! monsieur le baron, dites ; parlez-moi du comte Christian, de madame la chanoinesse et de…

— Oh oui ! je vous en parlerai, répondit Frédéric, qui était de plus en plus stupéfait et comme abruti.

— Et le comte Albert ? reprit Consuelo, effrayée de sa contenance et de sa physionomie.

— Oui, oui ! Albert, hélas ! oui ! répondit le baron, je veux vous en parler. »

Mais il n’en parla point ; et à travers toutes les questions de la jeune fille, il resta presque aussi muet et immobile que la statue de Népomuck.