Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
consuelo.

L’excuse ne fut pas admise, et il fallut comparaître au déjeuner du chanoine.

M. le chanoine était un homme de cinquante ans, d’une belle et bonne figure, fort bien fait de sa personne, quoique un peu chargé d’embonpoint. Ses manières étaient distinguées, nobles même ; il disait à tout le monde en confidence qu’il avait du sang royal dans les veines, étant un des quatre cents bâtards d’Auguste II, électeur de Saxe et roi de Pologne.

Il se montra gracieux et affable autant qu’homme du monde et personnage ecclésiastique doit l’être. Joseph remarqua à ses côtés un séculier, qu’il paraissait traiter à la fois avec distinction et familiarité. Il sembla à Joseph avoir vu ce dernier à Vienne ; mais il ne put mettre, comme on dit, son nom sur sa figure.

« Hé bien ! mes chers enfants, dit le chanoine, vous me refusez une seconde audition du thème de Porpora ? Voici pourtant un de mes amis, encore plus musicien, et cent fois meilleur juge que moi, qui a été bien frappé de votre manière de dire ce morceau. Puisque vous êtes fatigué, ajouta-t-il en s’adressant à Joseph, je ne vous tourmenterai pas davantage ; mais il faut que vous ayez l’obligeance de nous dire comment on vous appelle et où vous avez appris la musique. »

Joseph vit qu’on lui attribuait l’exécution du solo que Consuelo avait chanté, et un regard expressif de celle-ci lui fit comprendre qu’il devait confirmer le chanoine dans cette méprise.

« Je m’appelle Joseph, répondit-il brièvement, et j’ai étudié à la maîtrise de Saint-Étienne.

— Et moi aussi, reprit le personnage inconnu, j’ai étudié à la maîtrise, sous Reuter le père. Vous, sans doute, sous Reuter le fils ?

— Oui, monsieur.