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consuelo.

dans un village, non loin de la frontière morave, et qui en était reparti le matin dans un grand carrosse de voyage, escorté de ses pages à cheval, et de sa berline de suite qui portait son commis et sa chatouille[1], disait à son lieutenant, ou plutôt à son aide de camp, le baron de Buddenbrock, aux approches de la ville de Neïsse, et il faut noter que mécontent de sa maladresse la veille, il lui adressait la parole pour la première fois depuis son départ de Roswald :

« Qu’était-ce donc que cette illumination que j’ai aperçue de loin, sur la colline au pied de laquelle nous devions passer, en côtoyant le parc de ce comte Hoditz ?

— Sire, répondit en tremblant Buddenbrock, je n’ai pas aperçu d’illumination.

— Et vous avez eu tort. Un homme qui m’accompagne doit tout voir.

— Votre Majesté devait pardonner au trouble affreux dans lequel m’avait plongé la résolution d’un scélérat…

— Vous ne savez ce que vous dites ! cet homme était un fanatique, un malheureux dévot catholique, exaspéré par les sermons que les curés de la Bohême ont fait contre moi durant la guerre ; il était poussé à bout d’ailleurs par quelque malheur personnel. Il faut que ce soit quelque paysan enlevé pour mes armées, un de ces déserteurs que nous reprenons quelquefois malgré leurs belles précautions…

— Votre Majesté peut compter que demain celui-là sera repris et amené devant elle.

— Vous avez donné des ordres pour qu’on l’enlevât au comte Hoditz ?

— Pas encore, Sire ; mais sitôt que je serai arrivé à

  1. Son trésor de voyage.