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tout était prêt. Le peuple de Roswald était sous les armes ; les nymphes, les génies, les sauvages, les nains, les géants, les mandarins et les ombres attendaient, en grelottant à leurs postes, le moment de commencer leurs évolutions ; la route escarpée était déblayée de ses neiges et jonchée de mousse et de violettes ; les nombreux convives, accourus des châteaux environnants, et même de villes assez éloignées, formaient un cortège respectable à l’amphitryon, lorsque hélas ! un coup de foudre vint tout renverser. Un courrier, arrivé à toute bride, annonça que le carrosse de la margrave avait versé dans un fossé ; que Son Altesse s’était enfoncé deux côtes, et qu’elle était forcée de séjourner à Olmütz, où le comte était prié d’aller la rejoindre. La foule se dispersa. Le comte, suivi de Karl, qui avait retrouvé sa raison, monta sur le meilleur de ses chevaux et partit à la hâte, après avoir dit quelques mots à son majordome.

Les Plaisirs, les Ruisseaux, les Heures et les Fleuves allèrent reprendre leurs bottes fourrées et leurs casaquins de laine, et s’en retournèrent à leur travail des champs, pêle-mêle avec les Chinois, les pirates, les druides et les anthropophages. Les convives remontèrent dans leurs équipages, et la berline qui avait amené le Porpora et son élève fut mise de nouveau à leur disposition. Le majordome, conformément aux ordres qu’il avait reçus, leur apporta la somme convenue, et les força de l’accepter bien qu’ils ne l’eussent qu’à demi gagnée. Ils prirent, le jour même, la route de Prague ; le professeur enchanté d’être débarrassé de la musique cosmopolite et des cantates polyglottes de son hôte ; Consuelo regardant du côté de la Silésie et s’affligeant de tourner le dos au captif de Glatz, sans espérance de pouvoir l’arracher à son malheureux sort.

Ce même jour, le baron de Kreutz, qui avait passé la nuit