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consuelo.

tue de saint Jean Népomuck, sur le pont de Prague. C’est lui qui a volé, dans le château de Prague, le tambour fait avec la peau de Jean Zyska, celui qui fut un grand guerrier dans son temps, et dont la peau était la sauvegarde, le porte-respect, l’honneur du pays ! Oh non ! je ne me trompe pas, et je connais bien l’homme ! D’ailleurs, saint Wenceslas m’est apparu tout à l’heure comme je faisais ma prière dans la chapelle ; je l’ai vu comme je vous vois, signora ; et il m’a dit : « C’est lui, frappe-le au cœur. » Je l’avais juré à la Sainte-Vierge sur la tombe de ma femme, et il faut que je tienne mon serment… Ah ! voyez, signora ! voilà son cheval qui arrive devant le perron ; c’est ce que j’attendais. Je vais à mon poste ; priez pour moi ; car je paierai cela de ma vie tôt ou tard ; mais peu importe, pourvu que Dieu sauve mon âme !

— Karl ! s’écria Consuelo animée d’une force extraordinaire, je te croyais un cœur généreux, sensible et pieux ; mais je vois bien que tu es un impie, un lâche et un scélérat. Quel que soit cet homme que tu veux assassiner, je te défends de le suivre et de lui faire aucun mal. C’est le diable qui a pris la figure d’un saint pour égarer ta raison ; et Dieu a permis qu’il te fît tomber dans ce piège pour te punir d’avoir fait un serment sacrilège sur la tombe de ta femme. Tu es un lâche et un ingrat, te dis-je ; car tu ne songes pas que ton maître, le comte Hoditz, qui t’a comblé de bienfaits, sera accusé de ton crime, et qu’il le paiera de sa tête ; lui, si honnête, si bon et si doux envers toi ! Va te cacher au fond d’une cave ; car tu n’es pas digne de voir le jour, Karl. Fais pénitence, pour avoir eu une telle pensée. Tiens ! je vois, en cet instant, ta femme qui pleure à côté de toi, et qui essaie de retenir ton bon ange, prêt à t’abandonner à l’esprit du mal.

— Ma femme ! ma femme ! s’écria Karl, égaré et vaincu ;