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consuelo.

vous rien dit aujourd’hui qui puisse vous exposer au mécontentement ou à la méfiance du roi de Prusse, et dont vous auriez à vous repentir à Berlin, si le roi en était exactement informé ?

— Non, Karl, je n’ai rien dit de semblable. Je savais que tout Prussien qu’on ne connaît pas est un interlocuteur dangereux, et j’ai observé, quant à moi, toutes mes paroles.

— Ah ! vous me faites du bien de me dire cela ; j’étais bien inquiet ! je me suis approché de vous deux ou trois fois dans le navire, lorsque vous vous promeniez sur la pièce d’eau. J’étais un des pirates qui ont fait semblant de monter à l’abordage ; mais j’étais déguisé, vous ne m’avez pas reconnu. J’ai eu beau vous regarder, vous faire signe, vous n’avez pris garde à rien, et je n’ai pu vous glisser un seul mot. Cet officier était toujours à côté de vous. Tant que vous avez navigué sur le bassin, il ne vous a pas quittée d’un pas. On eût dit qu’il devinait que vous étiez son scapulaire, et qu’il se cachait derrière vous, dans le cas où une balle se serait glissée dans quelqu’un de nos innocents fusils.

— Que veux-tu dire, Karl ? Je ne puis te comprendre. Quel est cet officier ? Je ne le connais pas.

— Je n’ai pas besoin de vous le dire ; vous le connaîtrez bientôt puisque vous allez à Berlin.

— Pourquoi m’en faire un secret maintenant ?

— C’est que c’est un terrible secret, et que j’ai besoin de le garder encore une heure.

— Tu as l’air singulièrement agité, Karl ; que se passe-t-il en toi ?

— Oh ! de grandes choses ! l’enfer brûle dans mon cœur !

— L’enfer ? On dirait que tu as de mauvais desseins.

— Peut-être !