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consuelo.

à surprise dont ce manoir était rempli, elle prit le parti de revenir sur ses pas à tâtons jusqu’à ce qu’elle eût retrouvé la partie éclairée des bâtiments. Dans la confusion de tant de préparatifs pour des choses insensées, le confortable de cette riche habitation était entièrement négligé. On y trouvait des sauvages, des ombres, des dieux, des ermites, des nymphes, des ris et des jeux, mais pas un domestique pour avoir un flambeau, pas un être dans son bon sens auprès de qui l’on pût se renseigner.

Cependant elle entendit venir à elle une personne qui semblait marcher avec précaution et se glisser dans les ténèbres à dessein, ce qui ne lui inspira pas la confiance d’appeler et de se nommer, d’autant plus que c’était le pas lourd et la respiration forte d’un homme. Elle s’avançait un peu émue et en se serrant contre la muraille, lorsqu’elle entendit ouvrir une porte non loin d’elle, et la clarté de la lune, en pénétrant par cette ouverture, tomba sur la haute taille et le brillant costume de Karl.

Elle se hâta de l’appeler.

« Est-ce vous, signora ? lui dit-il d’une voix altérée. Ah ! je cherche depuis bien des heures un instant pour vous parler, et je le trouve trop tard, peut-être !

— Qu’as-tu donc à me dire, bon Karl, et d’où vient l’émotion où je te vois ?

— Sortez de ce corridor, signora, je vais vous parler dans un endroit tout à fait isolé et où j’espère que personne ne pourra nous entendre.

Consuelo suivit Karl, et se trouva en plein air avec lui sur la terrasse que formait la tourelle accolée au flanc de l’édifice.

« Signora, dit le déserteur en parlant avec précaution (arrivé le matin pour la première fois à Roswald, il ne connaissait guère mieux les êtres que Consuelo), n’avez-