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consuelo.

Trenck est un digne, un noble jeune homme, incapable d’une infamie !

— Je crois, mon maître, interrompit Consuelo que la physionomie du capitaine inquiétait de plus en plus, que vous serez bien à jeun quand vous aurez l’honneur d’approcher le roi de Prusse ; et je vous connais trop pour n’être pas certaine que vous ne lui parlerez de rien d’étranger à la musique.

— Mademoiselle me paraît fort prudente, reprit le baron. Il paraît cependant qu’elle a été fort liée à Vienne avec ce jeune baron de Trenck ?

— Moi, monsieur ? répondit Consuelo avec une indifférence fort bien jouée ; je le connais à peine.

— Mais, reprit le baron avec une physionomie pénétrante, si le roi lui-même vous demandait, par je ne sais quel hasard imprévu, ce que vous pensez de la trahison de ce Trenck ?…

— Monsieur le baron, dit Consuelo en affrontant son regard inquisitorial avec beaucoup de calme et de modestie, je lui répondrais que je ne crois à la trahison de personne, ne pouvant pas comprendre ce que c’est que de trahir.

— Voilà une belle parole, signora ! dit le baron dont la figure s’éclaircit tout à coup, et vous l’avez dite avec l’accent d’une belle âme. »

Il parla d’autre chose, et charma les convives par la grâce et la force de son esprit. Durant tout le reste du souper, il eut, en s’adressant à Consuelo, une expression de bonté et de confiance qu’elle ne lui avait pas encore vue.