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consuelo.

est assez éclairé sur cette matière, et qu’il aime véritablement les beaux-arts.

— En êtes-vous bien certain, monsieur le baron ? reprit le maestro, qui ne pouvait causer sans contredire tout le monde sur toutes choses. Moi, je ne m’en flatte guère. Les rois sont toujours les premiers en tout, au dire de leurs sujets ; mais il arrive souvent que leurs sujets en savent beaucoup plus long qu’eux.

— En fait de guerre, comme en fait de science et de génie, le roi de Prusse en sait plus long qu’aucun de nous, répondit le lieutenant avec zèle ; et quant à la musique, il est très-certain…

— Que vous n’en savez rien ni moi non plus, interrompit sèchement le capitaine Kreutz ; maître Porpora ne peut s’en rapporter qu’à lui seul à ce dernier égard.

— Quant à moi, reprit le maestro, la dignité royale ne m’en a jamais imposé en fait de musique ; et quand j’avais l’honneur de donner des leçons à la princesse électorale de Saxe, je ne lui passais pas plus de fausses notes qu’à un autre.

— Eh quoi ! dit le baron en regardant son compagnon avec une intention ironique, les têtes couronnées font-elles jamais des fausses notes ?

— Tout comme les simples mortels, monsieur ! répondit le Porpora. Cependant je dois dire que la princesse électorale n’en fit pas longtemps avec moi, et qu’elle avait une rare intelligence pour me seconder.

— Ainsi vous pardonneriez bien quelques fausses notes à notre Fritz, s’il avait l’impertinence d’en faire en votre présence ?

— À condition qu’il s’en corrigerait.

— Mais vous ne lui laveriez pas la tête ? dit à son tour le comte Hoditz en riant.