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frais et paré des couleurs de la jeunesse. Il fit un beau sermon, dont son maître corrigea les barbarismes, donna sa bénédiction, et offrit des racines et du lait à Consuelo dans une écuelle de bois.

« Je trouve l’ermite un peu jeune, dit le baron de Kreutz : vous eussiez pu mettre ici un vieillard véritable.

— Cela n’eût point plu à la margrave, répondit ingénument le comte Hoditz. Elle dit avec raison que la vieillesse n’est point égayante, et que dans une fête il ne faut voir que de jeunes acteurs. »

Je fais grâce au lecteur du reste de la promenade. Ce serait à n’en pas finir si je voulais lui décrire les diverses contrées, les autels druidiques, les pagodes indiennes, les chemins et canaux couverts, les forêts vierges, les souterrains où l’on voyait les mystères de la passion taillés dans le roc, les mines artificielles avec salles de bal, les Champs-Élysées, les tombeaux, enfin les cascades, les naïades, les sérénades et les six mille jets d’eau que le Porpora prétendait, par la suite, avoir été forcé d’avaler. Il y avait bien mille autres gentillesses dont les mémoires du temps nous ont transmis le détail avec admiration : une grotte à demi obscure où l’on s’enfonçait en courant, et au fond de laquelle une glace, en vous renvoyant votre propre image, dans un jour incertain, devait infailliblement vous causer une grande frayeur ; un couvent où l’on vous forçait, sous peine de perdre à jamais la liberté, de prononcer des vœux dont la formule était un hommage d’éternelle soumission et adoration à la margrave ; un arbre à pluie qui, au moyen d’une pompe cachée dans les branches, vous inondait d’encre, de sang ou d’eau de rose, suivant qu’on voulait vous fêter ou vous mystifier ; enfin mille secrets charmants, ingénieux, incompréhensibles, dispendieux surtout, que le Porpora eut la brutalité de trouver insupportables, stu-