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serfs chinois et sauvages, une petite montagne au sommet de laquelle on trouva la ville de Lilliput. Maisons, forêts, lacs, montagnes, le tout vous venait aux genoux ou à la cheville, et il fallait se baisser pour voir, dans l’intérieur des habitations, les meubles et les ustensiles de ménage, qui étaient dans des proportions relatives à tout le reste. Des marionnettes dansèrent sur la place publique au son des mirlitons, des guimbardes et des tambours de basque. Les personnes qui les faisaient agir et qui produisaient cette musique lilliputienne, étaient cachées sous terre et dans des caveaux ménagés exprès.

En redescendant la montagne des lilliputiens, on trouva un désert d’une centaine de pas, tout encombré de rochers énormes et d’arbres vigoureux livrés à leur croissance naturelle. C’était le seul endroit que le comte n’eût pas gâté et mutilé. Il s’était contenté de le laisser tel qu’il l’avait trouvé.

« L’usage de cette gorge escarpée m’a bien longtemps embarrassé, dit-il à ses hôtes. Je ne savais comment me délivrer de ces masses de rochers, ni quelle tournure donner à ces arbres superbes, mais désordonnés ; tout à coup l’idée m’est venue de baptiser ce lieu le désert, le chaos : et j’ai pensé que le contraste n’en serait pas désagréable, surtout lorsqu’au sortir de ces horreurs de la nature, on rentrerait dans des parterres admirablement soignés et parés. Pour compléter l’illusion, vous allez voir quelle heureuse invention j’y ai placée. »

En parlant ainsi, le comte tourna un gros rocher qui encombrait le sentier (car il avait bien fallu fourrer un sentier uni et sablé dans l’horrible désert), et Consuelo se trouva à l’entrée d’un ermitage creusé dans le roc et surmonté d’une grossière croix de bois. L’anachorète de la Thébaïde en sortit ; c’était un bon paysan dont la longue barbe blanche postiche contrastait avec un visage