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consuelo.

— Voyons la cantate, » dit Consuelo en recevant le manuscrit dont Hoditz était l’auteur.

Il ne lui fallut pas beaucoup de peine pour lire et chanter à la première vue ce pont-neuf ingénu : paroles et musique, tout était à l’avenant. Il ne s’agissait que de l’apprendre par cœur. Deux violons, une harpe et une flûte cachés dans les profondeurs de l’antre l’accompagnaient tout de travers. Le Porpora fit recommencer. Au bout d’un quart-d’heure, tout alla bien. Ce n’était pas le seul rôle que Consuelo eût à faire dans la fête, ni la seule cantate que le comte Hoditz eût dans sa poche : elles étaient courtes, heureusement ; il ne fallait pas fatiguer Son Altesse par trop de musique.

À l’île sauvage, on remit à la voile et on alla prendre terre sur un rivage chinois : tours imitant la porcelaine, kiosques, jardins rabougris, petits ponts, jonques et plantations de thé, rien n’y manquait. Les lettrés et les mandarins, assez bien costumés, vinrent faire un discours chinois à la margrave ; et Consuelo qui, dans le trajet, devait changer de costume dans la cale d’un des bâtiments et s’affubler en mandarine, dut essayer des couplets en langue et musique chinoise, toujours de la façon du comte Hoditz :

Ping, pang, tiong,
Hi, han, hong

Tel était le refrain, qui était censé signifier, grâce à la puissance d’abréviation que possédait cette langue merveilleuse :

« Belle margrave, grande princesse, idole de tous les cœurs, régnez à jamais sur votre heureux époux et sur votre joyeux empire de Roswald en Moravie. »

En quittant la Chine, on monta dans des palanquins très-riches, et on gravit, sur les épaules des pauvres