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l’enfoncer sur son chef, comme il en mourait d’envie. Il craignait surtout que Consuelo ne s’enrhumât, et il mangeait à la hâte, prétextant une vive impatience de voir la musique qu’il aurait à faire exécuter le lendemain.

« De quoi vous inquiétez-vous là, cher maestro ? disait le comte, qui était grand mangeur, et qui aimait à raconter longuement l’histoire de l’acquisition ou de la confection dirigée par lui de toutes les pièces riches et curieuses de son service de table ; des musiciens habiles et consommés comme vous n’ont besoin que d’une petite heure pour se mettre au fait. Ma musique est simple et naturelle. Je ne suis pas de ces compositeurs pédants qui cherchent à étonner par de savantes et bizarres combinaisons harmoniques. À la campagne, il faut de la musique simple, pastorale ; moi, je n’aime que les chants purs et faciles : c’est aussi le goût de madame la margrave. Vous verrez que tout ira bien. D’ailleurs, nous ne perdons pas de temps. Pendant que nous déjeunons ici, mon majordome prépare tout suivant mes ordres, et nous allons trouver les chœurs disposés dans leurs différentes stations et tous les musiciens à leur poste. »

Comme il disait cela, on vint avertir monseigneur que deux officiers étrangers, en tournée dans le pays, demandaient la permission d’entrer et de saluer le comte, pour visiter, avec son agrément, les palais et les jardins de Roswald.

Le comte était habitué à ces sortes de visites, et rien ne lui faisait plus de plaisir que d’être lui-même le cicerone des curieux, à travers les délices de sa résidence.

« Qu’ils entrent, qu’ils soient les bienvenus ! s’écria-t-il, qu’on mette leurs couverts et qu’on les amène ici. »

Peu d’instants après, les deux officiers furent introduits. Ils avaient l’uniforme prussien. Celui qui marchait le premier, et derrière lequel son compagnon semblait