Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/338

Cette page a été validée par deux contributeurs.
328
consuelo.

j’ai mis dans le papier quelques ducats, les premiers que j’eusse gagnés dans cette maison. Il ne l’a pas su, et il ne m’a pas reconnu, lui ; mais si nous retournons à Vienne, je m’arrangerai pour qu’il ne soit jamais dans l’embarras tant que je pourrai gagner ma vie.

— Joseph n’est plus à mon service, bon Karl, il est mon ami. Il n’est plus dans l’embarras, il est musicien, et gagnera sa vie aisément. Ne te dépouille donc pas pour lui.

— Quant à vous, signora, dit Karl, je ne puis pas grand’ chose pour vous, puisque vous êtes une grande actrice, à ce qu’on dit ; mais voyez-vous, si jamais vous vous trouvez dans la position d’avoir besoin d’un serviteur, et de ne pouvoir le payer, adressez-vous à Karl, et comptez sur lui. Il vous servira pour rien et sera bien heureux de travailler pour vous.

— Je suis assez payée par ta reconnaissance, mon ami. Je ne veux rien de ton dévouement.

— Voici maître Porpora qui revient. Souvenez-vous, signora, que je n’ai pas l’honneur de vous connaître autrement que comme un domestique mis à vos ordres par mon maître. »

Le lendemain, nos voyageurs s’étant levés de grand matin, arrivèrent, non sans peine, vers midi, au château de Roswald. Il était situé dans une région élevée, au versant des plus belles montagnes de la Moravie, et si bien abrité des vents froids, que le printemps s’y faisait déjà sentir, lorsqu’à une demi-lieue aux alentours, l’hiver régnait encore. Quoique la saison fût prématurément belle, les chemins étaient encore fort peu praticables. Mais le comte Hoditz, qui ne doutait de rien, et pour qui l’impossible était une plaisanterie, était déjà arrivé, et déjà faisait travailler une centaine de pionniers à aplanir la route sur laquelle devait rouler le lendemain l’équi-