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consuelo.

pas songer de sang-froid à édifier toute une vie de triomphe pour m’y couronner de mes propres mains. Je veux avoir de la gloire pour vous, mon maître ; en dépit de votre incrédulité, je veux vous montrer que c’est pour vous seul que Consuelo travaille et voyage ; et pour vous prouver tout de suite que vous l’avez calomniée, puisque vous croyez à ses serments, je vous fais celui de prouver ce que j’avance.

— Et sur quoi jures-tu cela ? dit le Porpora avec un sourire de tendresse où la méfiance perçait encore.

— Sur les cheveux blancs, sur la tête sacrée du Porpora, » répondit Consuelo en prenant cette tête blanche dans ses deux mains, et la baisant au front avec ferveur.

Ils furent interrompus par le comte Hoditz, qu’un grand heiduque vint annoncer. Ce laquais, en demandant pour son maître la permission de présenter ses respects au Porpora et à sa pupille, regarda cette dernière d’un air d’attention, d’incertitude et d’embarras qui surprit Consuelo, sans qu’elle se souvînt pourtant où elle avait vu cette bonne figure un peu bizarre. Le comte fut admis, et il présenta sa requête dans les termes les plus courtois. Il partait pour sa seigneurie de Roswald, en Moravie, et, voulant rendre ce séjour agréable à la margrave son épouse, il préparait, pour la surprendre à son arrivée, une fête magnifique. En conséquence, il proposait à Consuelo d’aller chanter pendant trois soirées consécutives à Roswald, et il désirait même que le Porpora voulût bien l’accompagner pour l’aider à diriger les concerts, spectacles et sérénades dont il comptait régaler madame la margrave.

Le Porpora allégua l’engagement qu’on venait de signer et l’obligation de se trouver à Berlin à jour fixe. Le comte voulut voir l’engagement, et comme le Porpora avait toujours eu à se louer de ses bons procédés, il lui