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éclairée ni bien sublime ; mais enfin, je regardais ces vœux comme sacrés ; et quand ma mère, à son lit de mort, me fit jurer de n’appartenir jamais à Anzoleto qu’en légitime mariage, elle savait bien qu’elle pouvait mourir tranquille sur la foi de mon serment. Plus tard, j’avais fait aussi, au comte Albert, la promesse de ne point songer à un autre qu’à lui, et d’employer toutes les forces de mon cœur à l’aimer comme il le voulait. Je n’ai pas manqué à ma parole, et s’il ne m’en dégageait lui-même aujourd’hui, j’aurais bien pu lui rester fidèle toute ma vie.

— Laisse là ton comte Albert, auquel tu ne dois plus songer ; et puisqu’il faut que tu sois sous l’empire de quelque vœu, dis-moi par lequel tu vas t’engager envers moi.

— Oh ! maître, fie-toi à ma raison, à mes bonnes mœurs et à mon dévouement pour toi ! ne me demande pas de serments ; car c’est un joug effrayant qu’on s’impose. La peur d’y manquer ôte le plaisir qu’on a à bien penser et à bien agir.

— Je ne me paie pas de ces défaites-là, moi ! reprit le Porpora d’un air moitié sévère, moitié enjoué : je vois que tu as fait des serments à tout le monde, excepté à moi. Passe pour celui que ta mère avait exigé. Il t’a porté bonheur, ma pauvre enfant ! sans lui, tu serais peut-être tombée dans les pièges de cet infâme Anzoleto. Mais, puisque ensuite tu as pu faire, sans amour et par pure bonté d’âme, des promesses si graves à ce Rudolstadt qui n’était pour toi qu’un étranger, je trouverais bien méchant que dans un jour comme celui-ci, jour heureux et mémorable où tu es rendue à la liberté et fiancée au dieu de l’art, tu n’eusses pas le plus petit vœu à faire pour ton vieux professeur, pour ton meilleur ami.

— Oh oui, mon meilleur ami, mon bienfaiteur, mon