Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/322

Cette page a été validée par deux contributeurs.
312
consuelo.

écrite, je ne pourrais pas être tranquille avec moi-même si je n’en recevais pas la réponse. Je l’attends tous les jours, elle ne peut plus tarder. Permettez-moi de ne signer l’engagement avec Berlin qu’après la réception de…

— Eh ! ma pauvre enfant, dit le Porpora, qui, dès le premier mot de son élève, avait dressé ses batteries préparées à l’avance, tu attendrais longtemps ! la réponse que tu demandes m’a été adressée depuis un mois…

— Et vous ne me l’avez pas montrée ? s’écria Consuelo ; et vous m’avez laissée dans une telle incertitude ? Maître, tu es bien bizarre ! Quelle confiance puis-je avoir en toi, si tu me trompes ainsi ?

— En quoi t’ai-je trompée ? La lettre m’était adressée, et il m’était enjoint de ne te la montrer que lorsque je te verrais guérie de ton fol amour, et disposée à écouter la raison et les bienséances.

— Sont-ce là les termes dont on s’est servi ? dit Consuelo en rougissant. Il est impossible que le comte Christian ou le comte Albert aient qualifié ainsi une amitié aussi calme, aussi discrète, aussi fière que la mienne.

— Les termes n’y font rien, dit le Porpora, les gens du monde parlent toujours un beau langage, c’est à nous de le comprendre : tant il y a que le vieux comte ne se souciait nullement d’avoir une bru dans les coulisses ; et que, lorsqu’il a su que tu avais paru ici sur les planches, il a fait renoncer son fils à l’avilissement d’un tel mariage. Le bon Albert s’est fait une raison, et on te rend ta parole. Je vois avec plaisir que tu n’en es pas fâchée. Donc, tout est pour le mieux, et en route pour la Prusse !

— Maître, montrez-moi cette lettre, dit Consuelo, et je signerai le contrat aussitôt après.

— Cette lettre, cette lettre ! pourquoi veux-tu la voir ?