Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
consuelo.

fut bientôt d’accord : on devait faire une collecte où chacun donnerait ce qu’il voudrait.

Après avoir mangé, ils remontèrent donc sur un tonneau qu’on roula triomphalement au milieu de la place, et les danses recommencèrent ; mais au bout de deux heures, elles furent interrompues par une nouvelle qui mit tout le monde en émoi, et arriva, de bouche en bouche, jusqu’aux ménétriers ; le cordonnier de l’endroit, en achevant à la hâte une paire de souliers pour une pratique exigeante, venait de se planter son alène dans le pouce.

« C’est un événement grave, un grand malheur ! leur dit un vieillard appuyé contre le tonneau qui leur servait de piédestal. C’est Gottlieb, le cordonnier, qui est l’organiste de notre village ; et c’est justement demain notre fête patronale. Oh ! la grande fête, la belle fête ! Il ne s’en fait pas de pareille à dix lieues à la ronde. Notre messe surtout est une merveille, et l’on vient de bien loin pour l’entendre. Gottlieb est un vrai maître de chapelle : il tient l’orgue, il fait chanter les enfants, il chante lui-même ; que ne fait-il pas, surtout ce jour-là ? Il se met en quatre ; sans lui, tout est perdu. Et que dira M. le chanoine, M. le chanoine de Saint-Étienne ! qui vient lui-même officier à la grand-messe, et qui est toujours si content de notre musique ? Car il est fou de musique, ce bon chanoine, et c’est un grand honneur pour nous que de le voir à notre autel, lui qui ne sort guère de son bénéfice et qui ne se dérange pas pour peu.

— Eh bien, dit Consuelo, il y a moyen d’arranger tout cela : mon camarade ou moi, nous nous chargeons de l’orgue, de la maîtrise, de la messe en un mot ; et si M. le chanoine n’est pas content, on ne nous donnera rien pour notre peine.

— Eh ! eh ! dit le vieillard, vous en parlez bien à votre