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les prévarications impudentes, les injustices raffinées d’un long et scandaleux procès. Avare, malgré son ostentation, et fier, malgré ses vices, il ne voulut pas payer le zèle de ses protecteurs ou acheter la conscience de ses juges. Nous le laisserons jusqu’à nouvel ordre dans la prison, où s’étant porté à quelque violence, il eut la douleur de se voir enchaîné par un pied. Honte et infamie ! ce fut précisément le pied qui avait été brisé d’un éclat de bombe dans une de ses plus belles actions militaires. Il avait subi la scarification de l’os gangrené, et, à peine rétabli, il était remonté à cheval pour reprendre son service avec une fermeté héroïque. On scella un anneau de fer et une lourde chaîne sur cette affreuse cicatrice. La blessure se rouvrit, et il supporta de nouvelles tortures, non plus pour servir Marie-Thérèse, mais pour l’avoir trop bien servie. La grande reine, qui n’avait pas été fâchée de lui voir pressurer et déchirer cette malheureuse et dangereuse Bohême, rempart peu assuré contre l’ennemi, à cause de son antique haine nationale, le roi Marie-Thérèse, qui, n’ayant plus besoin des crimes de Trenck et des excès des pandoures pour s’affermir sur le trône, commençait à les trouver monstrueux et irrémissibles, fut censée ignorer ces barbares traitements ; de même que le grand Frédéric fut censé ignorer les féroces recherches de cruauté, les tortures de l’inanition et les soixante-huit livres de fers dont fut martyrisé, un peu plus tard, l’autre baron de Trenck, son beau page, son brillant officier d’ordonnance, le sauveur et l’ami de notre Consuelo. Tous les flatteurs qui nous ont transmis légèrement le récit de ces abominables histoires en ont attribué l’odieux à des officiers subalternes, à des commis obscurs, pour en laver la mémoire des souverains ; mais ces souverains, si mal instruits des abus de leurs geôles, savaient si bien, au contraire, ce qui s’y