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consuelo.

trouva tout de suite un expédient pour assurer le repas et le gîte du soir.

« C’est aujourd’hui dimanche, dit-elle à Joseph ; tu vas jouer des airs de danse en traversant la première ville que nous rencontrerons. Nous ne ferons pas deux rues sans trouver des gens qui auront envie de danser, et nous ferons les ménétriers. Est-ce que tu ne sais pas faire un pipeau ? J’aurais bientôt appris à m’en servir, et pourvu que j’en tire quelques sons, ce sera assez pour t’accompagner.

— Si je sais faire un pipeau ! s’écria Joseph ; vous allez voir ! »

On eut bientôt trouvé au bord de la rivière une belle tige de roseau, qui fut percée industrieusement, et qui résonna à merveille. L’accord parfait fut obtenu, la répétition suivit, et nos gens s’en allèrent bien tranquilles jusqu’à un petit hameau à trois milles de distance où ils firent leur entrée au son de leurs instruments, et en criant devant chaque porte : « Qui veut danser ? Qui veut sauter ? Voilà la musique, voilà le bal qui commence ! »

Ils arrivèrent sur une petite place plantée de beaux arbres : ils étaient escortés d’une quarantaine d’enfants qui les suivaient au pas de marche, en criant et en battant des mains. Bientôt de joyeux couples vinrent enlever la première poussière en ouvrant la danse ; et avant que le sol fût battu, toute la population se rassembla, et fit cercle autour d’un bal champêtre improvisé sans hésitation et sans conditions. Après les premières valses, Joseph mit son violon sous son bras, et Consuelo, montant sur sa chaise, fit un discours aux assistants pour leur prouver que des artistes à jeun avaient les doigts mous et l’haleine courte. Cinq minutes après, ils avaient à discrétion pain, laitage, bière et gâteaux. Quant au salaire, on