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consuelo.

doure, le fit plier et osciller comme un roseau battu par le vent, et le coucha rudement par terre. Ce fut l’affaire de quelques secondes. Trenck, étourdi d’abord, se releva, et, les yeux hagards, la bouche écumante, l’épée à la main, s’élança vers son ennemi qui gagnait la porte et semblait fuir. Consuelo s’élança aussi sur le seuil, croyant reconnaître, dans cet homme déguisé la taille élevée et le bras robuste du comte Albert. Elle le vit reculer jusqu’au bout du corridor, où un escalier tournant fort rapide descendait vers la rue. Là, il s’arrêta, attendit Trenck, se baissa rapidement pendant que l’épée du baron allait frapper la muraille, et le prenant à bras le corps, le précipita par-dessus ses épaules, la tête la première, dans l’escalier. Consuelo entendit rouler le géant, elle voulut courir vers son libérateur en l’appelant Albert ; mais il avait disparu avant qu’elle eût eu la force de faire trois pas. Un affreux silence régnait sur l’escalier.

« Signora, cinque-minuti ! [1] lui dit d’un air paterne l’avertisseur en débusquant par l’escalier du théâtre qui aboutissait au même palier. Comment cette porte se trouve-t-elle ouverte ? ajouta-t-il en regardant la porte de l’escalier où Trenck avait été précipité ; vraiment Votre Seigneurie courait risque de s’enrhumer dans ce corridor ! »

Il tira la porte, qu’il ferma à clef, suivant sa consigne, et Consuelo, plus morte que vive, rentra dans la loge, jeta par la fenêtre le pistolet qui était resté sous le sofa, repoussa du pied sous les meubles les pierreries de Trenck qui brillaient sur le tapis, et se rendit sur le théâtre où elle trouva Corilla encore toute rouge et toute essoufflée du triomphe qu’elle venait d’obtenir dans l’intermède.

  1. On va commencer dans cinq minutes.