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consuelo.

arraché à la veuve et à l’orphelin ; c’est l’or de la trahison ; c’est le pillage des églises où tu feins de te prosterner et de réciter le chapelet (car tu es cagot, pour compléter toutes tes grandes qualités). Ton cousin, Trenck le Prussien, que tu chéris si tendrement, tu l’as trahi et tu as voulu le faire assassiner ; ces femmes dont tu as fait la gloire et le bonheur, tu les avais violées après avoir égorgé leurs époux et leurs pères. Cette tendresse que tu viens d’improviser pour moi, c’est le caprice d’un libertin blasé. Cette soumission chevaleresque qui t’a fait remettre ta vie dans mes mains, c’est la vanité d’un sot qui se croit irrésistible ; et cette légère faveur que tu me demandes, ce serait une souillure dont je ne pourrais me laver que par le suicide. Voilà mon dernier mot, pandoure à la gueule brûlée ! Ôte-toi de devant mes yeux, fuis ! car si tu ne laisses ma main, que depuis un quart d’heure tu glaces dans la tienne, je vais purger la terre d’un scélérat en te faisant sauter la tête.

— C’est là ton dernier mot, fille d’enfer ? s’écria Trenck ; eh bien, malheur à toi ! le pistolet que je dédaigne de faire sauter de ta main tremblante n’est chargé que de poudre ; une petite brûlure de plus ou de moins ne fait pas grand-peur à celui qui est à l’épreuve du feu. Tire ce pistolet, fais du bruit, c’est tout ce que je désire ! Je serai content d’avoir des témoins de ma victoire ; car maintenant rien ne peut te soustraire à mes embrassements, et tu as allumé en moi, par ta folie, des feux que tu eusses pu contenir avec un peu de prudence. »

En parlant ainsi, Trenck saisit Consuelo dans ses bras, mais au même instant la porte s’ouvrit ; un homme dont la figure était entièrement masquée par un crêpe noir noué derrière la tête, étendit la main sur le pan-