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consuelo.

de lui-même, et craint d’affronter mes camarades les baladins.

— Ah ! vous avez raison, dit Trenck en ouvrant la porte toute grande ; et, si vous ne craignez pas de vous enrhumer, j’aime mieux avoir de l’air que d’étouffer dans le musc dont la Corilla remplit cette petite chambre. Vous me rendez service. »

En parlant ainsi, il revint s’emparer des deux mains de Consuelo, la força de s’asseoir sur le sofa, et se mit à ses genoux sans quitter ses mains qu’elle ne pouvait lui disputer sans entamer une lutte puérile, funeste peut-être à son honneur ; car le baron semblait attendre et provoquer la résistance qui réveillait ses instincts violents et lui faisait perdre tout scrupule et tout respect. Consuelo le comprit et se résigna à la honte d’une transaction douteuse. Mais une larme qu’elle ne put retenir tomba lentement sur sa joue pâle et morne. Le baron la vit, et, au lieu d’être attendri et désarmé, il laissa une joie ardente et cruelle jaillir de ses paupières sanglantes, éraillées et mises à vif par la brûlure.

« Vous êtes bien injuste pour moi, lui dit-il avec une voix dont la douceur caressante trahissait une satisfaction hypocrite. Vous me haïssez sans me connaître, et vous ne voulez pas écouter ma justification. Moi, je ne puis me résigner sottement à votre aversion. Il y a une heure, je ne m’en souciais pas ; mais depuis que j’ai entendu la divine Porporina, depuis que je l’adore, je sens qu’il faut vivre pour elle, ou mourir de sa main.

— Épargnez-vous cette ridicule comédie… dit Consuelo indignée.

— Comédie ? interrompit le baron ; tenez, dit-il en tirant de sa poche un pistolet chargé qu’il arma lui-même et qu’il lui présenta : vous allez garder cette arme dans une de vos belles mains, et, si je vous