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consuelo.

il en parlait la langue aussi harmonieusement qu’un italien véritable, chantait agréablement, et « s’il ne fût né avec d’autres ressources, il eût pu faire fortune au théâtre, » à ce que prétendent ses biographes.

Mais quelle terreur s’empara de Consuelo, lorsqu’en retournant au sofa, elle vit le fatal paravent s’agiter et s’entr’ouvrir pour faire apparaître le maudit pandoure.

Elle s’élança vers la porte ; mais Trenck y fut avant elle, et s’appuyant le dos contre la serrure :

« Un peu de calme, ma charmante, lui dit-il avec un affreux sourire. Puisque vous partagez cette loge avec la Corilla, il faut bien vous accoutumer à y rencontrer l’amant de cette belle, et vous ne pouviez pas ignorer qu’il avait une double clef dans sa poche. Vous êtes venue vous jeter dans la caverne du lion… Oh ! ne songez pas à crier ! Personne ne viendrait. On connaît la présence d’esprit de Trenck, la force de son poignet, et le peu de cas qu’il fait de la vie des sots. Si on le laisse pénétrer ici, en dépit de la consigne impériale, c’est qu’apparemment il n’y a pas, parmi tous vos baladins, un homme assez hardi pour le regarder en face. Voyons, qu’avez-vous à pâlir et à trembler ? Êtes-vous donc si peu sûre de vous que vous ne puissiez écouter trois paroles sans perdre la tête ? Ou bien croyez-vous que je sois homme à vous violenter et à vous faire outrage ? Ce sont des contes de vieille femme qu’on vous a faits là, mon enfant. Trenck n’est pas si méchant qu’on le dit, et c’est pour vous en convaincre qu’il veut causer un instant avec vous.

— Monsieur, je ne vous écouterai point que vous n’ayez ouvert cette porte, répondit Consuelo en s’armant de résolution. À ce prix, je consentirai à vous laisser parler. Mais si vous persistez à me renfermer avec vous ici, je croirai que cet homme si brave et si fort doute