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consuelo.

— Pauvre Corilla ! dit Consuelo en laissant tomber sur elle le regard d’une profonde pitié.

— Tu me plains de cet amour, et tu as raison ; mais tu aurais encore plus de raison si tu me l’enviais. J’aime mieux que tu m’en plaignes, après tout, que de me le disputer.

— Sois tranquille ! dit Consuelo.

Signora, si va cominciar ! cria l’avertisseur à la porte.

Commencez ! cria une voix de stentor à l’étage supérieur, occupé par les salles des choristes.

Commencez !  » répéta une autre voix lugubre et sourde au bas de l’escalier qui donnait sur le fond du théâtre ; et les dernières syllabes, passant comme un écho affaibli de coulisse en coulisse, aboutirent en mourant jusqu’au souffleur, qui le traduisit au chef d’orchestre en frappant trois coups sur le plancher. Celui-ci frappa à son tour de son archet sur le pupitre, et, après cet instant de recueillement et de palpitation qui précède le début de l’ouverture, la symphonie prit son élan et imposa silence dans les loges comme au parterre.

Dès le premier acte de Zénobie, Consuelo produisit cet effet complet, irrésistible, que Haydn lui avait prédit la veille. Les plus grands talents n’ont pas tous les jours un triomphe infaillible sur la scène ; même en supposant que leurs forces n’aient pas un instant de défaillance, tous les rôles, toutes les situations ne sont pas propres au développement de leurs facultés les plus brillantes. C’était la première fois que Consuelo rencontrait ce rôle et ces situations où elle pouvait être elle-même et se manifester dans sa candeur, dans sa force, dans sa tendresse et dans sa pureté, sans faire un travail d’art et d’attention pour s’identifier à un personnage inconnu. Elle put oublier ce travail terrible, s’abandonner à l’émo-