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consuelo.

passion pour qu’il ne prît pas garde à la grâce touchante de sa rivale.

« Si c’est une dame qui est là, dit-il en riant, qu’elle me réponde. Madame, êtes-vous habillée ? peut-on vous présenter ses hommages ?

— Monsieur, répondit Consuelo sur un signe de la Corilla, veuillez garder vos hommages pour une autre, et me dispenser de les recevoir. Je ne suis pas visible.

— C’est-à-dire que c’est le bon moment pour vous regarder, dit l’amant de Corilla en faisant mine de pousser le paravent.

— Prenez garde à ce que vous allez faire, dit Corilla avec un rire forcé ; si, au lieu d’une bergère en déshabillé, vous alliez trouver une duègne respectable !

— Diable !… Mais non ! sa voix est trop fraîche pour n’être pas âgée de vingt ans tout au plus ; et si elle n’était pas jolie, tu me l’aurais déjà montrée. »

Le paravent était très-élevé, et malgré sa grande taille, l’amant ne pouvait regarder par-dessus, à moins de jeter à bas tous les chiffons de Corilla qui encombraient les chaises ; d’ailleurs depuis qu’il ne pensait plus à s’alarmer de la présence d’un homme, le jeu l’amusait.

« Madame, cria-t-il, si vous êtes vieille et laide, ne dites rien, et je respecte votre asile ; mais parbleu, si vous êtes jeune et belle, ne vous laissez pas calomnier par la Corilla, et dites un mot pour que je force la consigne. »

Consuelo ne répondit rien.

« Ah ! ma foi ! s’écria le curieux après un moment d’attente, je n’en serai pas dupe ! Si vous étiez vieille ou mal faite, vous ne vous rendriez pas justice si tranquillement ; c’est parce que vous êtes un ange que vous vous moquez de mes doutes. Il faut, dans tous les cas, que je vous voie ; car, ou vous êtes un prodige de beauté