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consuelo.

— Mais êtes-vous insensé ? Je vous dis que vous me compromettez, que vous me faites manquer au règlement récemment introduit par ordre de Sa Majesté, que vous m’exposez à une forte amende, à un renvoi peut-être.

— L’amende, je me charge de la payer à ton directeur en coups de canne. Quant à ton renvoi, je ne demande pas mieux ; je t’emmène dans mes terres, où nous mènerons joyeuse vie.

— Moi, suivre un brutal tel que vous ? jamais ! Allons, sortons ensemble d’ici, puisque vous vous obstinez à ne pas m’y laisser seule.

— Seule ? seule, ma charmante ? C’est ce dont je m’assurerai avant de vous quitter. Voilà un paravent qui tient bien de la place dans cette petite chambre. Il me semble que si je le repoussais contre la muraille d’un bon coup de pied, je vous rendrais service.

— Arrêtez ! monsieur, arrêtez ! c’est une dame qui s’habille là. Voulez-vous tuer ou blesser une femme, brigand que vous êtes !

— Une femme ! Ah ! c’est bien différent ; mais je veux voir si elle n’a pas une épée au côté. »

Le paravent commença à s’agiter. Consuelo, qui était habillée entièrement, jeta son manteau sur ses épaules, et tandis qu’on ouvrait la première feuille du paravent, elle essaya de pousser la dernière, afin de s’esquiver par la porte, qui n’en était qu’à deux pas. Mais la Corilla, qui vit son mouvement, l’arrêta en lui disant :

« Reste là, Porporina ; s’il ne t’y trouvait pas, il serait capable de croire que c’est un homme qui s’enfuit, et il me tuerait. »

Consuelo, effrayée, prit le parti de se montrer ; mais la Corilla qui s’était cramponnée au paravent, entre elle et son amant, l’en empêcha encore. Peut-être espérait-elle qu’en excitant sa jalousie, elle allumerait en lui assez de