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consuelo.

te consoler avec un autre. Dis-moi avec qui, Porporina. Ce ne peut être avec ce petit Haydn, qui n’a ni sou ni maille !

— Ce ne serait pas une raison. Mais je ne me suis consolée avec personne de la manière dont tu l’entends.

— Ah ! je sais ! j’oubliais que tu as la prétention… Ne dis donc pas de ces choses-là ici, ma chère ; tu te feras tourner en ridicule.

— Aussi je ne les dirai pas sans qu’on m’interroge, et je ne me laisserai pas interroger par tout le monde. C’est une liberté que je t’ai laissé prendre, Corilla ; c’est à toi de n’en pas abuser, si tu n’es pas mon ennemie.

— Vous êtes une masque ! s’écria la Corilla. Vous avez de l’esprit, quoique vous fassiez l’ingénue. Vous en avez tant que je suis sur le point de vous croire aussi pure que je l’étais à douze ans. Pourtant cela est impossible. Ah ! que tu es habile, Zingarella ! Tu feras croire aux hommes tout ce que tu voudras.

— Je ne leur ferai rien croire du tout, car je ne leur permettrai pas de s’intéresser assez à mes affaires pour m’interroger.

— Ce sera le plus sage : ils abusent toujours de nos confessions, et ne les ont pas plus tôt arrachées, qu’ils nous humilient de leurs reproches. Je vois que tu sais ton affaire. Tu feras bien de ne pas vouloir inspirer de passions : comme cela, tu n’auras pas d’embarras, pas d’orages ; tu agiras librement sans tromper personne. À visage découvert, on trouve plus d’amants et on fait plus vite fortune. Mais il faut pour cela plus de courage que je n’en ai ; il faut que personne ne te plaise et que tu ne te soucies d’être aimée de personne, car on ne goûte ces dangereuses douceurs de l’amour qu’à force de précautions et de mensonges. Je t’admire, Zingarella ! oui, je me sens frappée de respect en te voyant, si jeune,