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consuelo.

pouvoir trahir le secret de quelque imperfection. Mais Consuelo n’avait pas de corset. Sa ceinture, déliée comme un roseau, et ses formes chastes et nobles, n’empruntaient pas les secours de l’art. Elle pénétra l’intention de Corilla et sourit.

« Tu peux examiner ma personne et pénétrer mon cœur, pensa-t-elle, tu n’y trouveras rien de faux.

— Zingarella, lui dit la Corilla en reprenant malgré elle son air hostile et sa voix âpre, tu n’aimes donc plus du tout Anzoleto ?

— Plus du tout, répondit Consuelo en riant.

— Et lui, il t’a beaucoup aimée ?

— Pas du tout, reprit Consuelo avec la même assurance et le même détachement bien senti et bien sincère.

— C’est bien ce qu’il me disait ! » s’écria la Corilla en attachant sur elle ses yeux bleus, clairs et ardents, espérant surprendre un regret et réveiller une blessure dans le passé de sa rivale.

Consuelo ne se piquait pas de finesse, mais elle avait celle des âmes franches, si forte quand elle lutte contre des desseins astucieux. Elle sentit le coup et y résista tranquillement. Elle n’aimait plus Anzoleto, elle ne connaissait pas la souffrance de l’amour-propre : elle laissa donc ce triomphe à la vanité de Corilla.

« Il te disait la vérité, reprit-elle ; il ne m’aimait pas.

— Mais toi, tu ne l’as donc jamais aimé ? » dit l’autre, plus étonnée que satisfaite de cette concession.

Consuelo sentit qu’elle ne devait pas être franche à demi. Corilla voulait l’emporter, il fallait la satisfaire.

« Moi, répondit-elle, je l’ai beaucoup aimé.

— Et tu l’avoues ainsi ? tu n’as donc pas de fierté, pauvre fille ?

— J’en ai eu assez pour me guérir.

— C’est-à-dire que tu as eu assez de philosophie pour