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armes, les figures, les moustaches et les manteaux que je viens de voir passer, et la Providence nous avait soustraits, à notre insu, à la plus funeste rencontre que nous pussions faire en voyage.

— Sans aucun doute, dit le chanoine, à qui tous les détails de ce voyage avaient été souvent racontés par Joseph ; ces honnêtes gens s’étaient licenciés de leur propre gré, comme c’est leur coutume quand ils ont les poches pleines, et ils gagnaient la frontière pour revenir dans leur pays par un long circuit, plutôt que de passer avec leur butin sur les terres de l’Empire, où ils craignent toujours d’avoir à rendre des comptes. Mais soyez sûrs qu’ils n’y seront pas arrivés sans encombre. Ils se volent et s’assassinent les uns les autres tout le long du chemin, et c’est le plus fort qui regagne ses forêts et ses cavernes, chargé de la part de ses compagnons.

L’heure de la représentation vint distraire Consuelo du sombre souvenir des pandoures de Trenck, et elle se rendit au théâtre. Elle n’y avait point de loge pour s’habiller ; jusque-là madame Tesi lui avait prêté la sienne. Mais, cette fois, madame Tesi fort courroucée de ses succès, et déjà son ennemie jurée, avait emporté la clef, et la prima donna de la soirée se trouva fort embarrassée de savoir où se réfugier. Ces petites perfidies sont usitées au théâtre. Elles irritent et inquiètent la rivale dont on veut paralyser les moyens. Elle perd du temps à demander une loge, elle craint de n’en point trouver. L’heure s’avance ; ses camarades lui disent en passant : « Eh quoi ! pas encore habillée ? on va commencer. » Enfin, après bien des demandes et bien des pas, à force de colère et de menaces, elle réussit à se faire ouvrir une loge où elle ne trouve rien de ce qui lui est nécessaire. Pour peu que les tailleuses soient gagnées, le costume n’est pas prêt ou va mal. Les habilleuses