sa liberté. Patience ! Trenck le pandoure ne jouira peut-être pas longtemps de tant de gloire et de richesses. On dit qu’un procès criminel le menace, que les plus épouvantables accusations pèsent sur sa tête, que l’impératrice en a grand’peur ; enfin que ceux de ses Croates qui n’ont pas pris, selon leur coutume, leur congé sous leur bonnet, vont être incorporés dans les troupes régulières et tenus en bride à la manière prussienne. Quant à lui… j’ai mauvaise idée des compliments et des récompenses qui l’attendent à la cour !
— Ils ont sauvé la couronne d’Autriche, à ce qu’on dit !
— Cela est certain. Depuis les frontières de la Turquie jusqu’à celles de la France, ils ont semé l’épouvante et emporté les places les mieux défendues, les batailles les plus désespérées. Toujours les premiers à l’attaque d’un front d’armée, à la tête d’un pont, à la brèche d’un fort, ils ont forcé nos plus grands généraux à l’admiration, et nos ennemis à la fuite. Les français ont partout reculé devant eux, et le grand Frédéric a pâli, dit-on, comme un simple mortel, à leur cri de guerre. Il n’est point de fleuve rapide, de forêt inextricable, de marais vaseux, de roche escarpée, de grêle de balles et de torrents de flammes qu’ils n’aient franchis à toutes les heures de la nuit, et dans les plus rigoureuses saisons. Oui, certes, ils ont sauvé la couronne de Marie-Thérèse plus que la vieille tactique militaire de tous nos généraux et toutes les ruses de nos diplomates.
— En ce cas, leurs crimes seront impunis et leurs vols sanctifiés !
— Peut-être qu’ils seront trop punis, au contraire.
— On ne se défait pas de gens qui ont rendu de pareils services !
— Pardon, dit le chanoine malignement : quand on n’a plus besoin d’eux…