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consuelo.

brûlées, saccagées, les vieillards et les enfants mis en pièces, les femmes outragées, les campagnes épuisées de contributions, les moissons dévastées, les troupeaux détruits quand on ne pouvait les enlever, partout la ruine, la désolation, le meurtre et l’incendie. Pauvre Bohême ! rendez-vous éternel de toutes les luttes, théâtre de toutes les tragédies !

— Oui, pauvre Bohême ! victime de toutes les fureurs, arène de tous les combats, reprit le chanoine ; François de Trenck y a renouvelé les farouches excès du temps de Jean Ziska. Comme lui invaincu, il n’a jamais fait quartier ; et la terreur de son nom était si grande, que ses avant-gardes ont enlevé des villes d’assaut, lorsqu’il était encore à quatre milles de distance, aux prises avec d’autres ennemis. C’est de lui qu’on peut dire, comme d’Attila, que l’herbe ne repousse jamais là où son cheval a passé. C’est lui que les vaincus maudiront jusqu’à la quatrième génération. »

François de Trenck se perdit dans l’éloignement ; mais pendant longtemps Consuelo et le chanoine virent défiler ses magnifiques chevaux richement caparaçonnés, que ses gigantesques hussards croates conduisaient en main.

« Ce que vous voyez n’est qu’un faible échantillon de ses richesses, dit le chanoine. Des mulets et des chariots chargés d’armes, de tableaux, de pierreries, de lingots d’or et d’argent, couvrent incessamment les routes qui conduisent à ses terres d’Esclavonie. C’est là qu’il enfouit des trésors qui pourraient fournir la rançon de trois rois. Il mange dans la vaisselle d’or qu’il a enlevée au roi de Prusse à Soraw, alors qu’il a failli enlever le roi de Prusse lui-même. Les uns disent qu’il l’a manqué d’un quart d’heure ; les autres prétendent qu’il l’a tenu prisonnier dans ses mains et qu’il lui a chèrement vendu