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consuelo.

sortir avec son maître, elle vit passer toutes les personnes qui avaient été sur la scène en même temps qu’elle, elle remarqua plusieurs manteaux assez semblables à celui qui l’avait frappée.

« C’est égal, dit-elle tout bas à Joseph, qui lui en faisait l’observation, je l’ai vu ; il était là !

— C’est une hallucination que tu as eue, reprit Joseph. Si c’eût été vraiment le comte Albert, il t’aurait parlé ; et tu dis que deux fois il a fui à ton approche.

— Je ne dis pas que ce soit lui réellement ; mais je l’ai vu, et comme tu le dis, Joseph, je crois maintenant que c’est une vision. Il faut qu’il lui soit arrivé quelque malheur. Oh ! j’ai envie de partir tout de suite, de m’enfuir en Bohême. Je suis sûre qu’il est en danger, qu’il m’appelle, qu’il m’attend.

— Je vois qu’il t’a, entre autres mauvais offices, communiqué sa folie, ma pauvre Consuelo. L’exaltation que tu as eue en chantant t’a disposée à ces rêveries. Reviens à toi, je t’en conjure, et sois certaine que si le comte Albert est à Vienne, tu le verras bien vivant accourir chez toi avant la fin de la journée. »

Cette espérance ranima Consuelo. Elle doubla le pas avec Beppo, laissant derrière elle le vieux Porpora, qui ne trouva pas mauvais cette fois qu’elle l’oubliât dans la chaleur de son entretien avec ce jeune homme. Mais Consuelo ne pensait pas plus à Joseph qu’au maestro. Elle courut, elle arriva tout essoufflée, monta à son appartement, et n’y trouva personne. Joseph s’informa auprès des domestiques si quelqu’un l’avait demandée pendant son absence. Personne n’était venu, personne ne vint. Consuelo attendit en vain toute la journée. Le soir et assez avant dans la nuit, elle regarda par la fenêtre tous les passants attardés qui traversaient la rue. Il lui semblait toujours voir quelqu’un se diriger vers sa porte et