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consuelo.

des cordes entremêlées comme des hiéroglyphes ; des débris sans nom, des poulies et des rouages qui semblent préparés pour des supplices inconnus, tout cela ressemble à ces rêves que nous faisons à l’approche du réveil, et où nous voyons des choses incompréhensibles, en faisant de vains efforts pour savoir où nous sommes. Tout est vague, tout flotte, tout semble prêt à se disloquer. On voit un homme qui travaille tranquillement sur ces solives, et qui semble porté par des toiles d’araignée ; il peut vous paraître un marin grimpant aux cordages d’un vaisseau, aussi bien qu’un rat gigantesque sciant et rongeant les charpentes vermoulues. On entend des paroles qui viennent on ne sait d’où. Elles se prononcent à quatre-vingts pieds au-dessus de vous, et la sonorité bizarre des échos accroupis dans tous les coins du dôme fantastique vous les apporte à l’oreille, distinctes ou confuses, selon que vous faites un pas en avant ou de côté, qui change l’effet acoustique. Un bruit épouvantable ébranle les échafauds et se répète en sifflements prolongés. Est-ce donc la voûte qui s’écroule ? Est-ce un de ces frêles balcons qui craque et tombe, entraînant de pauvres ouvriers sous ses ruines ? Non, c’est un pompier qui éternue, ou c’est un chat qui s’élance à la poursuite de son gibier, à travers les précipices de ce labyrinthe suspendu. Avant que vous soyez habitué à tous ces objets et à tous ces bruits, vous avez peur ; vous ne savez de quoi il s’agit, et contre quelles apparitions inouïes il faut vous armer de sang-froid. Vous ne comprenez rien, et ce que l’on ne distingue pas par la vue ou par la pensée, ce qui est incertain et inconnu alarme toujours la logique de la sensation. Tout ce qu’on peut se figurer de plus raisonnable, quand on pénètre pour la première fois dans un pareil chaos, c’est qu’on va assister à quelque sabbat