Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
consuelo.

iraient plus vite ainsi que s’il s’en mêlait ostensiblement.

Le Porpora, en ne doutant pas assez du succès, commettait une grande faute. Il livrait la réputation de Consuelo à la médisance ; car il ne fallait que voir Joseph deux fois de suite dans les coulisses auprès d’elle pour que toute la gent dramatique proclamât ses amours avec ce jeune homme, et la pauvre Consuelo, confiante et imprévoyante comme toutes les âmes droites et chastes, ne songeait nullement à prévoir le danger et à s’en garantir. Aussi, dès le jour de cette répétition de Zénobie, les yeux prirent l’éveil et les langues la volée. Dans chaque coulisse, derrière chaque décor, il y eut entre les acteurs, entre les choristes, entre les employés de toutes sortes qui circulaient, une remarque maligne ou enjouée, accusatrice ou bienveillante, sur le scandale de cette intrigue naissante ou sur la candeur de ces heureuses accordailles.

Consuelo, toute à son rôle, toute à son émotion d’artiste, ne voyait, n’entendait et ne pressentait rien. Joseph, tout rêveur, tout absorbé par l’opéra qu’on chantait et par celui qu’il méditait dans son âme musicale, entendait bien quelques mots à la dérobée, et ne les comprenait pas, tant il était loin de se flatter d’une vaine espérance. Quand il surprenait en passant quelque parole équivoque, quelque observation piquante, il levait la tête, regardait autour de lui, cherchait l’objet de ces satires, et, ne le trouvant pas, profondément indifférent aux propos de ce genre, il retombait dans ses contemplations.

Entre chaque acte de l’opéra, on donnait souvent un intermède bouffe, et ce jour-là on répéta l’Impressario delle Canarie, assemblage de petites scènes très-gaies et très-comiques de Métastase. La Corilla, en y remplissant le rôle d’une prima donna exigeante, impérieuse et fantasque, était d’une vérité parfaite, et le succès qu’elle