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per un grand coup, l’ambassadeur s’était déterminé à lui faire voir des compositions de Haydn, et à lui avouer que la sérénade en trio dont il s’était montré si satisfait était de la façon de Beppo. Le Porpora avait confessé qu’il y avait là le germe d’un grand talent ; qu’il pourrait lui imprimer une bonne direction et l’aider par ses conseils à écrire pour la voix ; enfin que le sort d’une cantatrice mariée à un compositeur pouvait être fort avantageux. La grande jeunesse du couple et ses minces ressources lui imposaient la nécessité de s’adonner au travail sans autre espoir d’ambition, et Consuelo se trouverait ainsi enchaînée au théâtre. Le maestro se rendit. Il n’avait pas reçu plus que Consuelo de réponse de Riesenburg. Ce silence lui faisait craindre quelque résistance à ses vues, quelque coup de tête du jeune comte : « Si je pouvais sinon marier, du moins fiancer Consuelo à un autre, pensa-t-il, je n’aurais plus rien à craindre de ce côté-là. »

Le difficile était d’amener Consuelo à cette résolution. L’y exhorter eût été lui inspirer la pensée de résister. Avec sa finesse napolitaine, il se dit que la force des choses devait amener un changement insensible dans l’esprit de cette jeune fille. Elle avait de l’amitié pour Beppo, et Beppo, quoiqu’il eût vaincu l’amour dans son cœur, montrait tant de zèle, d’admiration et de dévouement pour elle, que le Porpora put bien s’imaginer qu’il en était violemment épris. Il pensa qu’en ne le gênant point dans ses rapports avec elle, il lui laisserait les moyens de faire agréer ses vœux ; qu’en l’éclairant en temps et lieu sur les desseins de l’impératrice et sur sa propre adhésion, il lui donnerait le courage de l’éloquence et le feu de la persuasion. Enfin il cessa tout à coup de le brutaliser et de le rabaisser, et laissa un libre cours à leurs épanchements fraternels, se flattant que les choses