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consuelo.

— Toi ! s’écria Corilla en la poussant sur le trône avec un mouvement convulsif. Te voilà reine, Porporina, te voilà au premier rang ; c’est moi qui t’y place, je te devais cela. Ne l’oublie pas ! »

Dans sa détresse, Holzbaüer, à la veille de manquer à son devoir et d’être forcé peut-être de donner sa démission, ne put repousser ce secours inattendu. Il avait bien vu, d’après la manière dont Consuelo avait fait l’Ismène, qu’elle pouvait faire la Bérénice d’une manière supérieure. Malgré l’éloignement qu’il avait pour elle et pour le Porpora, il ne lui fut permis d’avoir en cet instant qu’une seule crainte : c’est qu’elle ne voulût point accepter le rôle.

Elle s’en défendit, en effet, très-sérieusement ; et, pressant les mains de la Corilla avec cordialité, elle la supplia, à voix basse, de ne pas lui faire un sacrifice qui l’enorgueillissait si peu, tandis que, dans les idées de sa rivale, c’était la plus terrible des expiations, et la soumission la plus épouvantable qu’elle pût s’imposer. Corilla demeura inébranlable dans cette résolution. Madame Tesi, effrayée de cette concurrence sérieuse qui la menaçait, eut bien envie d’essayer sa voix et de reprendre son rôle, dût-elle expirer après, car elle était sérieusement indisposée ; mais elle ne l’osa pas. Il n’était pas permis, au théâtre de la cour, d’avoir les caprices auxquels le souverain débonnaire de nos jours, le bon public, sait se ranger si patiemment. La cour s’attendait à voir quelque chose de nouveau dans ce rôle de Bérénice : on le lui avait annoncé, et l’impératrice y comptait.

« Allons, décide-toi, dit Caffariello à la Porporina. Voici le premier trait d’esprit que la Corilla ait eu dans sa vie : profitons-en.

— Mais je ne sais point le rôle ; je ne l’ai pas étudié, disait Consuelo ; je ne pourrai pas le savoir demain.

— Tu l’as entendu : donc tu le sais, et tu le chanteras