Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 3.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
consuelo.

promesse, et vous ne me ferez point chanter malgré moi.

— Ma chère amie, on te fera chanter par ordre, reprit Caffariello, et tu chanteras mal, nous y étions préparés. C’est un petit malheur à ajouter à tous ceux que tu as voulu affronter dans ta vie ; mais il est trop tard pour t’en repentir. Il fallait faire tes réflexions un peu plus tôt. Tu as trop présumé de tes moyens. Tu feras fiasco ; peu nous importe, à nous autres. Je chanterai de manière à ce qu’on oublie que le rôle de Bérénice existe. La Porporina aussi, dans son petit rôle d’Ismène, dédommagera le public, et tout le monde sera content, excepté toi. Ce sera une leçon dont tu profiteras, ou dont tu ne profiteras pas, une autre fois.

— Vous vous trompez beaucoup sur mes motifs de refus, répondit la Corilla avec assurance. Si je n’étais malade, je chanterais peut-être le rôle aussi bien qu’une autre ; mais comme je ne peux pas le chanter, il y a quelqu’un ici qui le chantera mieux qu’on ne l’a encore chanté à Vienne, et cela pas plus tard que demain. Ainsi la représentation ne sera pas retardée, et je reprendrai avec plaisir mon rôle d’Ismène, qui ne me fatigue point.

— Vous comptez donc, dit Holzbaüer surpris, que madame Tesi se trouvera assez rétablie demain pour chanter le sien ?

— Je sais fort bien que madame Tesi ne pourra chanter de longtemps, dit la Corilla à haute voix, de manière à ce que, du trône où elle se prélassait, elle pût être entendue de la Tesi, étalée sur son sofa à dix pas d’elle, voyez comme elle est changée ! sa figure est effrayante. Mais je vous ai dit que vous aviez une Bérénice parfaite, incomparable, supérieure à nous toutes, et la voici, ajouta-t-elle en se levant et en prenant Consuelo par la main pour l’attirer au milieu du groupe inquiet et agité qui s’était formé autour d’elle.

— Moi ? s’écria Consuelo qui croyait faire un rêve.