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tition pour se divertir aux dépens de la Corilla ; elle s’était fait apporter un sofa de théâtre, et, allongée dessus, derrière cette première coulisse, peinte en rideau replié, qu’en style de coulisse précisément on appelle manteau d’arlequin, elle calmait son ami, et s’obstinait à attendre Corilla, pensant que c’était pour éviter son contrôle qu’elle hésitait à paraître. Enfin, la Corilla arriva plus pâle et plus languissante que madame Tesi elle-même, qui reprenait ses couleurs et ses forces en la voyant ainsi. Au lieu de se débarrasser de son mantelet et de sa coiffe avec les grands mouvements et l’air dégagé qu’elle se donnait de coutume, elle se laissa tomber sur un trône de bois doré oublié au fond de la scène, et parla ainsi à Holzbaüer d’une voix éteinte :

« Monsieur le directeur, je vous déclare que je suis horriblement malade, que je n’ai pas de voix, que j’ai passé une nuit affreuse… (Avec qui ? demanda languissamment la Tesi à Caffariello.) Et que pour toutes ces raisons, continua la Corilla, il m’est impossible de répéter aujourd’hui et de chanter demain, à moins que je ne reprenne le rôle d’Ismène, et que vous ne donniez celui de Bérénice à une autre.

— Y songez-vous, madame ? s’écria Holzbaüer frappé comme d’un coup de foudre. Est-ce à la veille de la représentation, et lorsque la cour en a fixé l’heure, que vous pouvez alléguer une défaite ? C’est impossible, je ne saurais en aucune façon y consentir.

— Il faudra bien que vous y consentiez, répliqua-t-elle en reprenant sa voix naturelle, qui n’était pas douce. Je suis engagée pour les seconds rôles, et rien dans mon traité ne me force à faire les premiers. C’est un acte d’obligeance qui m’a portée à les accepter au défaut de la signora Tesi, et pour ne pas interrompre les plaisirs de la cour. Or, je suis trop malade pour tenir ma